« Le juste prix ou le risque du bien grillé ! »
Caroline THEUIL juriste-rédacteur, expert immobilier :
On le sait, la clé d’une vente réussie réside principalement dans la fixation d’un prix juste, et ceci, dès la première mise en vente. L’inadéquation entre l’estimation du prix et le prix de vente réel d’un bien peut conduire à la situation tant redoutée, du bien « grillé ».
« C’est un drôle de truc, l’attachement. Ça pousse à faire toutes sortes de choses folles qu’on ne devrait pas. » Si l’écrivain américaine, Joyce Maynard, vise ici l’attachement à l’être humain, il n’est pas aberrant d’étendre l’idée aux choses matérielles. En matière de vente immobilière par exemple, l’attachement de certains propriétaires à leur bien, leur fait adopter des comportements déraisonnés, notamment concernant le prix, pouvant conduire au blocage de la vente.
Le délai moyen de vente d’un bien immobilier est d’environ 3 mois. Il varie en fonction de plusieurs critères. On retiendra principalement, l’emplacement, l’état d’ensemble du bien, la disposition des pièces et… le prix. Avec l’emplacement, le prix est le premier critère retenu par les acheteurs dans leur recherche. Il importe donc de ne pas le fixer de manière arbitraire.
L’estimation du bien ne doit pas reposer sur les attentes du vendeur
Entre le désir de vendre au meilleur prix, le libre accès aux données immobilières, la réalisation de travaux d’importance ou l’attachement sentimental du propriétaire à son bien, les raisons sont nombreuses pour expliquer la tendance qu’a généralement le vendeur à gonfler la valeur de son bien d’environ 10%.
Or, on le sait, la clé d’une vente réussie réside principalement dans la fixation d’un prix juste, et ceci, dès la première mise en vente. L’inadéquation entre l’estimation du prix et le prix de vente réel d’un bien, génère, généralement, une situation de vente complexe, pouvant aller jusqu’au blocage total de celle-ci. C’est la fameuse situation, tant redoutée, du bien « grillé ». Afin d’éviter ce type de dérive, il est important de rappeler que l’estimation du bien ne doit pas reposer sur les attentes du vendeur mais bien sur la réalité du marché. Vous me direz « c’est une évidence, mais le vendeur est roi… et têtu ! ». Oui, certes, et je vous répondrai qu’il est concevable de tenter une vente au prix imposé par le vendeur, en prônant parallèlement l’adéquation prix/valeur du bien et, en changeant impérativement de stratégie en cas de non réaction, ou faible réaction, du marché.
Valeur vénale et prix de mise en vente
Pratiquement, l’estimation d’un bien destiné à la vente consiste, dans une première étape, à évaluer le bien en raison de sa valeur vénale, c’est-à-dire du prix probable auquel le bien pourrait être vendu. En celà, la mission de l’agent immobilier s’approche de celle de l’expert immobilier. Mais elle en diffère pourtant, puisqu’au delà de la détermination de la « fair value », de la juste valeur, l’agent immobilier se doit d’établir une valeur marchande à laquelle le bien est susceptible d’être vendu dans les meilleures délais et conditions possibles. Une seconde étape vient alors grever l’exercice : la prise en compte de la concurrence. Il importe effectivement de s’attacher tout particulièrement au prix de vente pratiqué par la concurrence, sur des biens similaires à celui qu’on envisage de faire entrer sur le marché. Et là, nous ne sommes plus dans la recherche de juste valeur, mais d’un prix de mise en vente. Cette concurrence est, elle, dictée par l’arbitrage des acheteurs en fonction de leurs aspirations à un instant T, auxquelles est associée une enveloppe financière.
Dans ce contexte, la sur-évaluation d’un bien, le prive mécaniquement d’acheteurs potentiels, des acheteurs qui pour le prix demandé, sont en droit d’attendre des prestations supérieures, ou qui, pour les prestations proposées attribuent une enveloppe financière inférieure. C’est ce message fort que, dans son émission, Stéphane Plaza, tente d’inculquer au futur vendeur « gourmand » lorsqu’il lui présente, par exemple, un bien similaire au sien, vendu récemment dans le quartier, à un prix inférieur à celui attendu.
Attention au bien « grillé »
Notons enfin, que plus cette sur-évaluation perdure dans le temps plus le bien risque d’être grillé sur le marché. Or, lorsqu’un bien est considéré comme grillé, seule une baisse significative du prix peut permettre d’en relancer la vente. La conséquence d’un tel mécanisme est de se retrouver à vendre le bien en deçà de son prix de marché réel alors même que, mis à un prix raisonnable au départ, il se serait vendu sans peine. N’oublions pas en outre, qu’en telles circonstances, notre vendeur est généralement frappé d’amnésie rétrograde, et qu’en conclusion, c’est l’agent immobilier qui se retrouve dans le rôle du professionnel inefficace.
La sous-évaluation quant à elle, comporte également un risque sérieux. Au-delà du défaut de conseil et d’information, prodigué par l’agent immobilier et du manque à gagner subi par le vendeur, vendre un bien en-dessous de son prix réel revient aux yeux de l’Administration fiscale à une dissimulation du prix réel. À ce titre, elle est en droit de procéder à un redressement fiscal afin de recouvrer les droits de mutation dont elle estime avoir été lésée. Cette rectification est en outre assortie de pénalités conséquentes.