La Côte Vermeille, "saturée et trop chère pour les gens d'ici", perd chaque année des habitants
Selon l'Insee, entre 2015 et 2021, les communes de la Côte Vermeille ont toutes vu leur population diminuer alors que les Pyrénées-Orientales font partie des départements les plus attractifs de France. Comment expliquer ce décalage ? France Bleu est allé poser la question sur place.
Sur toute la Côte Vermeille, le dernier recensement annonce une baisse de la population, alors que le reste du département est de plus en plus attractif © Radio France - Clothilde Jupon
Des villages de cartes postales, connus à travers la France, qui perdent leurs habitants petit à petit. C'est la situation à laquelle font face toutes les communes de la Côte Vermeille ces dernières années. Banyuls-sur-Mer, Cerbère, Collioure ou encore Port-Vendres sont concernées. Ces villes attirent moins alors que globalement, les Pyrénées-Orientales connaissent un pic d'attractivité depuis 2015.
(Voir aussi : le-blog-immobilier-de-perpignan.com/2024/01/pyrenees-orientales.les-villes-qui-ont-gagne-le-plus-d-habitants-ces-dernieres-annees)
Selon les derniers chiffres de l'Insee publiés le 28 décembre 2023, le département a gagné 16.269 habitants en six ans, et se classe troisième en Occitanie, en termes de croissance de population. Mais sur la Côte Vermeille, le scénario est tout autre : en 2021, Banyuls-sur-Mer comptait 4.671 habitants (-100 par rapport à 2015), Collioure 2.517 (-321), Cerbère 1.257 (-92) et Port-Vendres 3.969 (-226).
Toujours la carte postale... pour les touristes
Des chiffres qui s'expliquent assez facilement selon les habitants. À Port-Vendres, tout le monde est unanime : "La ville est saturée et trop chère pour les gens d'ici" s'exclame en chœur un groupe d'amies installées sur un banc de la place de l'Obélisque. "Mon petit-fils est parti l'an passé. Ici c'était impossible pour lui d'acheter malgré un bon salaire", nous confie l'une d'elle.
Du côté des commerçants, la plupart aussi ont eu du mal à se loger : "On a cherché ici, mais il n'y avait rien qui correspondait à nos revenus, et pas beaucoup de logements à vendre." Ce couple qui tient son commerce sur les quais a donc préféré investir sur Saint-André. D'autres bénéficient d'un appartement au-dessus de leur boutique, sans lequel ils n'auraient pas pu s'installer sur la commune.
Contacté, le maire de Port-Vendres, Grégory Marty, précise que "ce n'est pas tant qu'on perd des habitants, c'est plutôt une mutation, avec davantage de résidences secondaires".
"La Côte Rocheuse est très plébiscitée des investisseurs français et étrangers pour faire des logements saisonniers" nous explique Jérome Auberthié, directeur commercial de l'agence Domians Immobilier. "Le marché est très différent de celui de Perpignan, par exemple pour la même surface il faut compter plus du double pour financer un achat".
Résidence secondaire d'une clientèle étrangère
À plus de 3.000 euros le mètre carré, les acheteurs principaux ne sont pas les locaux. "On a beaucoup de Parisiens, des Belges, des Anglais aussi qui veulent une résidence secondaire à Port-Vendres."
Une clientèle avec un pouvoir d'achat plus élevé qui s'accapare les résidences de la Côte Vermeille au détriment des locaux plutôt remontés, comme Josiane : "Quand on voit les difficultés d'accès à la propriété pour les jeunes, ça me révolte, après ce sont des choix, on privilégie le tourisme" s'agace Josiane.
Dans sa ligne de mire, "les Airbnb loués hors de prix mais aussi toutes les résidences secondaires qui restent des logements vacants plus de la moitié de l'année". C'est aussi le constat fait par Jérôme Auberthié. "Cette frange d'acheteurs, on la voit rarement sur place, un ou deux mois dans l'année tout au plus, ensuite les volets restent fermés jusqu'à l'année suivante".
À Port-Vendres, selon les données 2020 de l'Insee, 58% des logements étaient des résidences secondaires.
Les prix s'envolent
Des habitants saisonniers qui font peu à peu monter le prix de ces biens immobiliers prisés sur un marché déjà très difficile. "Avec les salaires moyens dans les Pyrénées-Orientales, impossible de faire passer un dossier pour acheter sur la Côte Vermeille", renchérit Jérôme Auberthié.
Et les solutions se font rares. "Entre la loi littoral, les terrains militaires, et l'existant, il n'y a plus de terrains à bâtir, à moins de creuser la roche et de pouvoir se permettre d'amortir des frais de terrassement" précise un second agent immobilier de Port-Vendres.
Ce n'est donc pas faute de candidats intéressés pour s'installer que les communes de la Côte se dépeuplent petit à petit, mais plutôt à cause du marché. Il y a une inadéquation entre le pouvoir d'achat des habitants du département, leur capacité d'emprunt et l'offre immobilière. "Les jeunes issus du terroir ne peuvent pas s'installer donc ils vont voir ailleurs, dans l'arrière pays, où ils peuvent s'acheter une petite maison avec jardin pour le même budget qu'un 30 mètres carrés ici" constate Josiane.
Les jeunes, cible numéro 1
Mais pour Guy Llobet le maire de la ville de Collioure, aussi concernée par cette baisse démographique entre 2015 et 2021, il faut quand même nuancer cette tendance. Selon le dernier recensement communal de 2023 (donc plus récent que l'étude globale de l'Insee qui porte sur 2015-2021), sa politique volontariste sur le logement commencerait à porter ses fruits. Entre 2021 et 2023, Collioure a retrouvé 239 habitants.
Et sa priorité ce sont les jeunes. "Les logements sociaux sont en priorité accordés aux familles avec des enfants" explique-t-il. Un projet de construction de 23 logements va également débuter en février pour livraison dans un an et demi. 12 logements seront en accession à la propriété et 11 en locatif.
"Les prix pratiqués seront les prix publics, pour faciliter l'installation de 23 familles car aujourd'hui, à 4.000 euros du mètre carré, les jeunes s'en vont, ils ne peuvent pas acheter" constate Guy Llobet. Avec ce programme, il espère aussi pouvoir dynamiser l'école et continuer d'ouvrir des classes, comme en 2022, car "sur la Côte Vermeille, on vit, ce n'est pas juste la carte postale", souligne-t-il.
Source : France Bleu Roussillon, par Clotilde Jupon