Mandataires immobiliers : les Fourberies de Scapin
Dans un marché qui se retourne, les réseaux de mandataires connaissent leur première crise de croissance. Pour continuer à grignoter des parts de marché, ils ne ménagent pas leurs efforts pour recruter de nouveaux agents et renforcer leurs positions face aux agences traditionnelles.
Alors que l’activité se ralentit, il est plus difficile de faire entendre le chant des sirènes et les promesses de revenus faciles et confortables à des aspirants à la reconversion qui sont forcément moins nombreux à envisager le métier de la négociation immobilière.
Tels le rusé valet qui ne s’encombre pas de morale pour trouver de nouveaux stratagèmes face à l’adversité, les recruteurs et les communicants des réseaux ne manquent pas d’imagination pour séduire leurs cibles.
Dans sa tribune du 6 décembre dans les colonnes d’Immomatin, Vincent Pavanello, président de la Maison des Mandataires, explique « combien il est important, pour un mandataire immobilier, de se constituer une équipe de négociateurs et revêtir ainsi le costume de développeur. »
« Alors que le marché immobilier est moins dynamique qu’en 2020 et 2021, les développeurs subissent moins le ralentissement. Car si leur production personnelle diminue un peu, la croissance de leur équipe peut venir compenser le manque à gagner. »
Et de présenter, si besoin était, le système pyramidal (mais on dit M.L.M.) qui est l’une des composantes du modèle des réseaux de mandataires :
« Certains réseaux de mandataires offrent la possibilité à leurs conseillers de développer leur propre équipe. Concrètement, un mandataire peut décider de parrainer un nouvel entrant dans son réseau pour ensuite lui apporter, si ce dernier le souhaite, un soutien en matière de formation et d’accompagnement dans le métier…
S’il existe autant de modèles de constitution d’équipe que de réseaux, le nombre de niveaux de filleuls et les rémunérations variant beaucoup d’une enseigne à une autre, je crois utile de rappeler que cette possibilité offerte aux mandataires fait beaucoup de sens en période de ralentissement de marché…
En tant que manager, vous serez rémunéré à chaque fois qu’un de vos filleuls réalise une vente immobilière. Cela peut représenter très vite des sommes importantes, plusieurs milliers d’euros par mois pour des équipes qui dépassent les 10 personnes par exemple. »
Jusque-là, rien de bien original. Certes l’agent commercial peut tout à fait confier l'exécution de sa mission à des sous-agents.
C’est la suite qui ne manque pas de piquant.
« Dans ce contexte, l’idée de pouvoir constituer un fonds de commerce grâce à son équipe est très séduisante. Pour rappel, la plupart des réseaux de mandataires vous laissent la possibilité de revendre votre organisation au moment où vous souhaitez arrêter l’activité. Par exemple, Monsieur X a une équipe de 20 filleuls qui lui génèrent 30 000 euros de revenus par an. On estime généralement que la valeur de son fonds de commerce tourne autour de 3 fois le revenu annuel, soit environ 90 000€ dans ce cas.
En période de ralentissement, certains conseillers peuvent être tentés de changer d’activité ou plus simplement de prendre une retraite bien méritée. Grâce à l’équipe qu’ils auront constituée, ce changement de vie sera d’autant plus facilité qu’ils recevront une somme d’argent conséquente au moment de la vente de leur fonds de commerce. Là encore, un bel avantage par rapport au modèle traditionnel dans lequel un agent commercial quitte son agence sans pouvoir monétiser son réseau. »
Mais bon sang, c’est magnifique ! 🤩
SAUF QUE :
L'agent commercial, simple mandataire, exerce une activité civile.
En effet, l’agent commercial ne fait des actes juridiques que pour le compte et au nom de son mandant.
La jurisprudence a rappelé à ce titre qu’il incompatible avec cette qualité qu'il soit propriétaire d'un fonds de commerce et ait la qualité de commerçant (Cass. com. 26-2-2008 n° 06-20.272).
Non, Monsieur Pavanello, un agent commercial ne peut pas vendre un fonds de commerce qui n’existe pas.
Certes il est possible à un agent commercial de céder son « contrat d’agence ». Celui-ci est un contrat intuitu personae qui prévoit généralement que sa cession est interdite « sauf accord exprès du mandant » : encore faut-il convaincre ce dernier…
Il faut savoir (source Cabinet Foussat Avocats) que cette cession ne confère à l’acquéreur aucune garantie quant à la durabilité du contrat repris. En cas de rupture ultérieure du contrat par le mandant, le vendeur n’est pas tenu de rembourser le prix payé par l’acquéreur. Celui-ci peut par contre être indemnisé par le mandant.
Donc en donnant son accord à la cession de son contrat par un de ses agents, le mandant s’expose, dans les cas où il serait amené ultérieurement à dénoncer le contrat, à rembourser au successeur le prix encaissé par le vendeur !
Quel responsable de réseau prendrait un tel risque ? A supposer même qu’il existe un pigeon prêt à payer… quoi d’ailleurs ? Juste le droit (garanti par le contrat ?) de manager une équipe dont les membres peuvent partir du jour au lendemain ?
Tu veux arrêter ton activité ? Pas de problème. Tes sous-agents ne vont pas te suivre de toute façon… ou alors c’est un autre sujet ! 😡
Je ne m’étendrai pas sur les chiffres de la valeur du "fonds" avancés. Ils feront rire n’importe quel professionnel. 🤣
Sérieusement, Scapino, la ficelle est trop grosse. Peut-être pour cela d’ailleurs que ça va marcher… le miroir aux alouettes n’en n’a pas fini de briller !