Agences s'abstenir !
Un de mes clients à qui je viens de vendre une maison m’a avoué qu’après des mois de recherches infructueuses dans les offres de particuliers, il s’est tourné vers son notaire qui lui a dit que s’il voulait trouver un bien au bon prix, il ferait mieux de consulter les agences immobilières.
Voilà un conseil, émanant d’un professionnel des mieux informés (les notaires voient les transactions réelles) et dont l’objectivité ne peut être mise en question, qui semble aller à l’encontre de bien des idées reçues !
Les agents immobiliers sont les lecteurs les plus assidus des annonces immobilières des particuliers. C’est une source importante de notre prospection, ce que l’on appelle « la pige ». Tout le monde ne le sait pas mais la plus grande partie du temps d’un négociateur immobilier consiste à rechercher des biens pour répondre à la demande de ses clients ou améliorer son portefeuille d’offres. De plus l’agent immobilier dispose d’outils informatiques lui permettant d’analyser ces annonces, de retracer leur historique, l’évolution du prix demandé, etc.
Ainsi, ce 6 décembre 2012, les offres immobilières de particuliers dans les Pyrénées-Orientales sur les principaux sites d’annonces se dénombrent ainsi :
- Le Bon Coin : 3673
- VivaStreet : 1268
- Entreparticuliers : 278
- P.A.P : 179
A l'évidence les sites gratuits tiennent largement le haut du pavé, ce qui me fait m’interroger. Madame Martin veut vendre son appartement à 200.000 euros, et n’est pas disposée à investir quelques dizaines d’euros dans une annonce sur un site spécialisé s'adressant à un public bien ciblé ?
Ne serait-ce donc que par souci d’économie qu’elle termine son annonce par le mot magique « Agences s’abstenir » que par ailleurs on voit de plus en plus fréquemment ?
Bien sûr, il y a une population de vendeurs (et d’acheteurs) pour qui « agent immobilier » est un gros mot. Quelquefois à cause d’une expérience malheureuse avec un agent immobilier manquant de professionnalisme. Le plus souvent par méconnaissance totale du marché et de l’activité de transaction immobilière, l’agent immobilier étant alors perçu comme un intermédiaire et un coût inutile. Ce débat n’est pas le sujet de mon article aujourd’hui.
En fait Madame Martin se trouve sans doute dans l’une des 2 situations suivantes :
1- Ne se prétendant pas une professionnelle de l’immobilier, elle a consulté un ou des agents immobiliers pour avoir une estimation de son bien. Ces voyous, attirés par l’argent facile, ont sous-évalué son appartement pour le vendre plus vite. Elle a comparé ces estimations avec les annonces pour des biens similaires, et puisque son appartement est bien sûr mieux que tout ce qu’elle a trouvé, il vaut forcément plus cher… Ou s’est souvenu du prix de vente de celui de la Tante Agathe il y a 4 ans… Ces agents sont vraiment nuls.
2- Elle sait que le prix qu’elle veut de son appartement est « limite », voire trop élevé. Bon, il passera bien un pigeon, ou alors je négocierai, mais si je rajoute à mon prix la commission de l’agent, je ne verrai personne...
Agences s'abstenir !
Depuis 2 ans environ, le nombre d’annonces de particuliers sur les sites gratuits est en forte hausse. Est-ce que cela veut dire qu’il y a davantage de biens à vendre ? C’est une réflexion souvent entendue des acheteurs potentiels : « il y a de plus en plus de biens à vendre, donc j’ai vraiment du choix et je vais pouvoir négocier » ! Et, comme mon client cité au début, Mr Lacheteur va s’épuiser pendant des mois à fouiller les annonces, à faire des visites stériles, à la recherche de la perle rare.
La raison principale à l’augmentation du nombre des annonces est en fait la durée de vie, en hausse, de ces annonces auxquelles vient s’ajouter bien sûr le flux normal de nouvelles offres.
La grande majorité des annonces immobilières du département sont là depuis de nombreux mois…6, 9, et beaucoup plus pour certaines. Et l’internaute averti dispose aussi d’outils de « traçage » des annonces. Ce qui incite bien sûr Mr Lacheteur à se détourner immédiatement des offres qui traînent sur le net depuis longtemps. « Si cette maison est en vente depuis 1 an, il doit bien y avoir un problème… ». Oui bien entendu, et on va voir lequel.
Car l’autre constante observée depuis des mois sur les offres de particuliers est l’écart de plus en plus important entre le prix affiché et les prix réels du marché. Tous les analystes du marché n’expliquent pas autrement la baisse du volume de transactions en 2012.
La demande est toujours là, mais acheteurs et vendeurs n’arrivent pas à se rencontrer... Le prix est le plus souvent la cause du divorce. D’autre part, l’achat immobilier demande aujourd’hui un effort très important dans le budget d’un ménage, et donc ses exigences (qualité du bien, emplacement, prestations) sont grandissantes. Un bien de bonne qualité offert au prix du marché se vend, et plutôt vite. Un bien pourri, qui plus est surévalué, va rester pour longtemps dans le patrimoine de son propriétaire !
Agences s’abstenir… Pour ma part, je respecte cette instruction. La plupart du temps elle est d’ailleurs inutile. Car comme par hasard, le mot magique figure bien souvent sur des offres de biens inintéressants ou totalement déconnectés en prix. Je n’ai la plupart du temps pas envie de m’épuiser à chercher à conseiller Mme Martin. Si elle ne veut pas de notre aide, pas de problème.
Mais des fois, je transgresse l’ordre écrit dans l’annonce. Le bien paraît très intéressant, semble correspondre à un mandat de recherche que j’ai pour l’un de mes clients.
Madame Martin va alors m’expliquer qu’elle en a assez de n’être appelée que par des agences. C’est normal, Madame Martin, votre bien paraît attractif. Si aucun particulier ne vous appelle, c’est normal aussi. Nous, professionnels, savons que dès qu’un bien est affiché 10 ou 15% au-dessus du prix du marché, il ne génère plus aucun contact. Nous mesurons parfaitement ce phénomène puisque nos propres offres sont souvent surévaluées, tous nos propriétaires mandants n’acceptant pas de se ranger aux diktats du marché.
Agences s’abstenir… Acheteurs aussi. Car Madame Martin ignore sans doute que les annonces immobilières de particuliers en France sont à l’origine de moins de 20% des transactions. Elle ignore aussi que plus de la moitié des acheteurs, même si une partie d’entre eux consulte aussi les offres des particuliers, s’adresse aux agences immobilières. Elle passe donc à côté de la plus grande partie des acheteurs potentiels.
Agences s’abstenir… J’ai une requête à adresser à ces vendeurs. Au lieu de mettre votre demande à la fin de votre annonce, pourriez-vous la placer en tête ? Vous nous ferez gagner du temps dans nos recherches, mais je suis sûr que cela vous est égal…